Le 8 mars marque la journée internationale de la femme. La femme avec un « F » majuscule. Avant tout, pour sa force de caractère. Ensuite pour sa faculté à conjuguer les verbes du quotidien au présent et au futur parce qu’elle a du mal avec l’imparfait.
Parmi ces femmes, il y a celles qui ont contribué au mieux-être de leur société, celles qui continuent d’amener de l’eau au moulin en puisant au fond d’elle-même l’intarissable et celles qui s’investissent au jour le jour pour le mieux-être de leurs semblables.
C’est pourquoi, je profite de cette tribune pour rendre hommage à quelques-unes d’entre elles qui ont fait en sorte que l’Ouest-de-l’Île soit sous le feu des projecteurs.
Ainsi, qui dit Kirkland pense immédiatement à une banlieue occidentale de l’Île de Montréal, laquelle formait initialement la paroisse St-Joachim de la Pointe-Claire. Pourtant, elle doit son nom au père de Marie-Claire Kirkland, le député libéral et médecin Charles-Aimé Kirkland que l’on surnommait le « docteur de l’eau sale » en raison de sa lutte contre la pollution.
Fille unique du couple Kirkland-Demers, la jeune Marie-Claire s’est rapidement imposée comme figure de proue dans le paysage politique québécois, encouragée par ses parents à poursuivre ses études et à faire preuve d’autonomie.
Conséquemment, après avoir complété des études en droit à l’université Mc Gill, elle débute sa carrière d’avocate en 1952 et ce, sans solde et sans mission précise puisqu’à l’époque le mot « femme » s’épelait en minuscule et ces tâches traditionnellement réservées aux hommes ne s’accordaient pas en genre avec le principal sujet : Marie-Claire.
Toutefois, selon l’historien et politologue Jean-Charles Panneton, qui a dit de Madame Kirkland-Casgrain qu’elle ne se laisserait pas abattre et que c’était une femme très déterminée, décidée, elle se lance donc officiellement en politique en 1961 dans la circonscription de Jacques-Cartier (la même que celle de son père), après ses premiers pas dans le milieu en tant que présidente du Comité constitutionnel de la Fédération des femmes libérales du Québec.
Elle devient de la sorte la première femme élue députée à l’Assemblée nationale du Québec, ce qui n’est pas sans faire couler beaucoup d’encre ni sans lui attirer des propos pour le moins disgracieux puisqu’elle bouscule non seulement les traditions, mais toute une institution réservée jusque-là à la gent masculine. Ceci toutefois constitue le début d’une ère nouvelle pour les femmes.
De ministre sans portefeuille, elle gagne des galons de réélection en réélection. Alors qu’elle occupe les fonctions de ministre des Transports et des Communications, la loi 16, dont elle est la marraine, voit le jour en 1964. Jusque-là, les femmes mariées, considérées comme la propriété de leur époux, n’avaient aucun droit et, par conséquent, n’étaient pas des citoyennes à part entière. Signer un contrat ou avoir un travail étaient une mission impossible pour elles.
Après avoir marqué un tournant dans l’histoire du Québec avec le nouveau statut juridique des femmes, Madame Kirkland-Casgrain contribue également à la création du Conseil du statut de la femme. Par la suite, elle cumule les fonctions de ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche et brigue un dernier mandat en tant que ministre des Affaires Culturelles, avant de se retirer de la scène politique pour revenir à ses anciennes amours en entreprenant une carrière de juge en 1973.
Par ailleurs, autre fait à noter, c’est aussi à cette ancienne résidente, de l’Ile-Bizard, mieux connue sous le nom de Claire Kirkland-Casgrain que l’on doit l’Institut de Tourisme et d’Hôtellerie du Québec parce qu’elle croyait profondément que les origines latines de la cuisine de la Belle Province pouvaient être mises à contribution sur les bonnes tables du Québec.
Puisque nous venons de sortir des “chaudrons battus” sans toutefois nous extraire d’un autre milieu qui était une chasse gardée par les hommes soit la restauration, saviez-vous que c’est une jeune femme de l’Ouest-de-l’Île et plus précisément originaire de Dollard-des-Ormeaux qui a été nommée en 2021 femme chef de l’année en Italie?
Effectivement, la chef Jessica Rosval a réussi à se hisser dans le palmarès italien de la Guilda dell’Espresso, soit le nec plus ultra des guides des meilleurs restaurants d’Italie. Celle qui, selon ses dires, ne cuisinait même pas à la maison s’est intéressée à la cuisine alors qu’elle avait pour emploi étudiant un travail d’hôtesse dans un restaurant familial de l’Ouest-de-l’Île, le Scarolie’s Pasta Emporium. Elle a au préalable fréquenté le Collège Dawson pour finalement bifurquer vers l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec avant d’atterrir à la Casa Maria Luigia de Modène.
C’est en œuvrant d’abord avec Laurent Godbout à Montréal et ensuite à Whistler, en Colombie-Britannique sous Melissa Craig que Jessica s’est fait les dents en restauration. Par la suite, forte de ses dix ans d’expérience en cuisine, elle accepte d’accompagner son amoureux qui s’est mérité un prix à l’université Bocconi de Milan. Pour célébrer, les tourtereaux s’offrent un fin gueuleton à la prestigieuse Osteria Francescana du triple étoilé Michelin, Massimo Bottura où triomphent les saveurs locales. L’audace de Jessica et son intrépidité l’auront poussée à demander à Bottura de travailler pour lui. L’ayant prise à l’essai, il a tôt fait de devenir son mentor et elle est maintenant à la barre du prestigieux B&B du renommé chef et de son épouse, Lara Gilmore.
Parallèlement, Jessica Rosval devient directrice culinaire de l’Association pour l’insertion des Femmes, une association à but non lucratif et un merveilleux projet d’intégration pour les femmes migrantes, mis sur pied par une amie de la chef, Caroline Caporossi. En plus d’offrir un programme de formation en cuisine et des cours de langue, la philosophie derrière cette aventure est de permettre à ces femmes déracinées de participer à la culture locale tout en intégrant des éléments provenant de leur identité culinaire. Cette approche, selon Rosval, contribue à mettre l’accent sur la fierté des origines de chacune. Ayant elle-même immigré en Italie et pour avoir eu à se familiariser avec les us et coutumes de la Péninsule, Jessica Rosval devient pour elles un modèle d’espoir.
Évidemment, puisqu’on parle ici de cuisine italienne, je ne peux passer sous silence, le travail unique de la toute première femme de ma vie qui a joué un rôle primordial depuis ma naissance et qui est nouvellement ma fidèle collaboratrice, après plus de trente années au sein d’Air Inuit en tant que gestionnaire d’agents de bord. J’ai nommé ma mère, Anna Maria Vinci. Bien que son nom rime avec l’île de son cœur au milieu de la Méditerranée, elle est née dans la Vieille Capitale, de parents immigrés, et son travail l’a conduite à déménager à Montréal, puis dans l’Ouest-de-l’Île. Elle habite Beaconsfield depuis plus de vingt ans désormais.
Femme de cœur, ricaneuse, empathique sont les tout premiers traits de son caractère qui me viennent en tête lorsque je songe à elle. Comme toutes les mères, elle m’a toujours tendu la main, guidé, réprimandé, câliné. Ce qui la distingue toutefois, c’est sa façon bien à elle de mettre la main à la pâte autant dans la cuisine que dans tous les culs-de-poule de sa vie. Aux moments les plus cruciaux de mon existence, elle a encaissé les coups sans jamais courber l’échine. Elle m’a soutenu dans l’adversité et m’a composé une ribambelle de mots pour atténuer mes maux. Gogo, comme je me plais à l’appeler, est l’éternelle rêveuse qui décrochait des étoiles juste pour voir scintiller mes yeux. Elle s’invente des menus qu’elle met en scène le temps d’un clic parce que ça lui procure des instants-grammes de bonheur. Elle fréquente l’université car sa soif d’apprendre demeure intarissable. La plupart de ses amis sont ceux de ses enfants qu’elle accueille pour faire la fête. Elle nourrit un intérêt à taux élevé pour les différentes cultures et les ingrédients qui les composent. Puis, surtout, quand elle enfile son tablier, cuisine pour une armée au cas où un soldat solitaire vienne cogner à sa porte. En revanche, ce qu’elle souhaite le plus, c’est que notre monde vive dans la paix et dans le respect de l’autre.
Je salue ces femmes d’exceptions et aussi toutes celles qui confirment la règle!
